Définitions
extrait e l'ouvrage de Jean-Paul Gourévitch: l'immigration
ça coûte ou ça rapporte (Larousse 2009)
Le poids des mots
Nommer c’est catégoriser, et donc exclure ou risquer de stigmatiser.
Mais ne pas nommer interdit toute analyse ou la camoufle sous des
généralités consensuelles. Or les confusions ne manquent pas dans la
presse. On assimile « vote des immigrés » et « vote des
étrangers » ; ou bien on parle « d’immigrés
de seconde génération » pour désigner des enfants d’immigrés nés
en France. Précisions.
La migration se
définit comme un déplacement massif de populations. Elle est dite interne
quand elle se produit d’un pays vers un autre à l’intérieur d’un
même continent et externe
quand le continent de destination est différent du continent
d’origine.
Les migrants entreprennent donc une démarche d’émigration
quand ils quittent leur pays d’origine et d’immigration
quand ils s’installent pour une longue période ou définitivement
dans
le pays d’accueil. Emigrants et immigrants sont les deux faces d’une
même réalité, les flux
migratoires. Quand les
migrants se sont installés, ils deviennent des émigrés
pour le pays qu’ils ont quitté, des immigrés
pour celui où ils sont entrés et font partie ce qu’on appelle d’un
terme peu convivial, les stocks.
Immigrés, étrangers, personnes d’origine étrangère
En France, selon la définition du Haut Commissariat à l’intégration,
l’immigré
est une personne née à l’étranger de parents étrangers qui a décidé
de
s’installer dans le pays d’accueil et qui y réside depuis un an
minimum. D’autres pays fixent des normes de présence plus
contraignantes. Les immigrés s'opposent donc aux autochtones.
En comparaison, l’étranger
est
celui qui vit depuis un certain temps dans un pays qui n’est pas le
sien tout en gardant sa nationalité et qui peut envisager de
retourner
dans son pays d’origine. Les étrangers s’opposent donc aux nationaux.
L’étranger est parfois qualifié d’expatrié,
terme qui s’appliquait dans l’antiquité à des personnes chassées de
leur patrie mais qui concerne aujourd’hui des départs volontaires
vers
un autre pays. Quand cet expatrié est envoyé par une entreprise ou
une
administration publique, il est considéré comme détaché à
l’étranger.
Les immigrés peuvent acquérir la nationalité du pays
d’accueil dans le cadre d’une naturalisation. En France, ils
seront donc considérés comme des Français
immigrés. Ils peuvent aussi ne pas vouloir l’acquérir ou
ne pas pouvoir l’obtenir. Ce sont des immigrés
étrangers. Les binationaux
sont ceux qui pour des raisons historiques ou personnelles possèdent
la
nationalité du pays d’origine et du pays d’accueil comme la
franco-colombienne Ingrid Betancourt.
L’immigré qui entre dans un pays d’accueil, est comptabilisé à la
fois
dans les flux puisqu’il migre et dans les stocks puisqu’il accroît
le
nombre d’étrangers. S’il se fixe durablement dans ce pays, il ne
relève
plus des flux mais des stocks. S’il obtient la nationalité du pays
d’accueil, il passe du stock d’étrangers au stock de nationaux.
Sinon,
il fait à la fois partie du stock des étrangers et de celui des
immigrés. Pour le pays d’accueil, le flux se mesure en termes
d’entrées et de sorties. La différence entre les entrées et les
sorties
constitue le solde
migratoire.
Les réfugiés sont
définis par la Convention de Genève de 1951 comme
« ceux qui craignant avec raison d’être persécutés en
fonction de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de
leurs
idées politiques ou de leur appartenance à un groupe social, se
trouvent hors du pays dont ils ont la nationalité et ne veulent ou
ne
peuvent se réclamer de sa protection ». Ils dépendent d’une agence
des Nations Unies, le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) ou
d’organismes nationaux comme l’Office Français de Protection des
Réfugiés et des Apatrides (OFPRA). Pour obtenir le statut de
réfugié,
et notamment la protection juridique et l’assistance matérielle qui
lui
sont attachées, il faut que sa demande
d’asile soit acceptée. Sinon il sera débouté
et invité à quitter le pays.
A la différence des réfugiés, les personnes
déplacées,
parquées dans une autre région de leur Etat ou dans un pays voisin,
en
raison des conflits, des épidémies ou de la famine, ne sont pas
protégées juridiquement puisqu’elles sont censées retourner dans
leur
pays quand la situation sera redevenue saine. Toutefois, dans
certaines
régions telle la République Démocratique du Congo et les pays
limitrophes, les incursions ou invasions modifient en permanence les
mouvements de population, et la distinction entre réfugiés et
déplacés
est difficile à établir.
Les enfants d’immigrés nés
en France
auront, en vertu du droit du sol, la nationalité française à leur
majorité, voire avant si eux-mêmes ou leurs parents le demandent.
Ce sont des Français
d’origine étrangère. Dans les pays qui se réfèrent au droit
du sang, ils gardent la nationalité de leurs parents. Les populations
de naissance étrangère incluent les étrangers mais aussi
les résidents nationaux nés à l’étranger.
Clandestins et sans papiers
Un certain nombre de ces migrants sont entrés illégalement ou se
trouvent dans l’illégalité, étant restés dans le pays d’accueil
après l’expiration de leur visa de séjour. Ils sont considérés comme
des clandestins par
ceux qui voudraient qu’ils soient renvoyés au pays d’origine, par
des sans-papiers
pour ceux qui récusent la culpabilité inférée par le mot
« clandestins » et souhaitent au contraire leur
régularisation.
Le qualifiant « sans-papiers » recouvre des situations
diverses. Certains immigrés, n’ont pu obtenir à temps des papiers
parce
qu’ils résident dans des pays déchirés par les conflits (Haïti,
Sierra
Leone, Libéria…) ou gangrenés par la corruption (Cameroun,
République
centrafricaine… ) dans lesquels un backchich est exigé pour leur
délivrance. D’autres se les ont fait confisquer par leur
employeur jusqu’à ce qu’ils aient fini de rembourser leur dette.
Une grande partie les ont détruits eux-mêmes pour éviter d’être
reconduits dans leur pays d’origine s’ils étaient arrêtés.
Certains préfèrent exhiber des faux papiers dont le trafic est
contrôlé par des filières organisées de part et d’autre de la
Méditerranée.
Ces immigrés en situation irrégulière peuvent être interpellés,
conduits dans un centre de rétention puis, après jugement,
reconduits à
la frontière. Les reconduites
sont différentes des expulsions
qui touchent des migrants constituant une menace pour l’ordre public
et
sont souvent accompagnées d’une interdiction de territoire. Les
retours
au pays d’origine ne sont possibles que si celui-ci a signé avec le
pays d’accueil des accords de réadmission en échange de
contreparties
financières. Le plus souvent les migrants sont régularisés
avec un titre de séjour provisoire ou définitif. Parfois ils sont
invités à retourner chez eux avec un pécule. Ce sont des retours
volontaires
Un nouveau lexique
L’évolution des migrations entraîne des modifications dans le
vocabulaire. Le terme allochtone
désigne
un migrant né sur une terre étrangère par opposition à
autochtone, originaire du pays qu’il habite. Les migrants qui
retournent d’eux-mêmes au pays font une démarche qualifiée de rémigration.
Rapatriés
suggère que la personne n’a pas choisi de revenir mais qu’on l’y a
obligée. Le terme a des connotations historiques qui renvoient aux
prisonniers de guerre, aux malades rapatriés en urgence, et à la fin
de
la guerre d’Algérie. Impatriés, qui s’oppose à expatriés, désigne
des
travailleurs étrangers qu’une entreprise fait venir en France. Les
migrants qui choisissent leur destination en fonction de la balance
entre les avantages fournis et les risques encourus, pratiquent
ce que les anglo-saxons appellent l’asylum shopping et que nous
traduisons imparfaitement par l’expression shopping
migratoire.
Les motivations
Les motivations des migrants peuvent être classées en deux
catégories, les facteurs
« push » qui incitent à quitter le pays d’origine, les facteurs
« pull » qui attirent vers le pays d’accueil.
La traditionnelle trilogie des motivations a été remplacée par une
typologie plus complexe.
La migration de main
d’œuvre s’est enrichie d’une migration
entrepreneuriale (délocaliser son entreprise à l’étranger),
d’une migration de
compétence, d’une
migration étudiante, d’une migration
pendulaire (avec aller-retours permanents), d’une migration
starisée (avec recherche de success-story ou en
accompagnement d’une star) et d’une migration
dite « de charme ».
La migration familiale
était à l’origine parentale
(l’épouse et les enfants rejoignent le mari parti travailler à
l’étranger). Elle est devenue également maritale
(on va chercher un époux ou une épouse à l’étranger pour le
ramener au pays d’accueil), prénatale
(on va accoucher dans un pays où s’applique le droit du sol pour
bénéficier d’une meilleure législation sociale et d’une possibilité
ultérieure de régularisation), voire paternelle
(on « achète » la paternité d’un enfant d’une femme d’un pays
d’accueil).
La migration politique ou
religieuse concerne les victimes de persécutions. Elle se
double d’une migration
militante (on recrute des partisans et on récolte des fonds
pour renverser un régime) voire d’une migration
environnementale
suite à une catastrophe naturelle, à une dégradation de l’écosystème
et
aux menaces planant sur certaines régions de la planète :
réchauffement climatique, désertification, pollution urbaine…
Enfin il existe aujourd’hui une migration
sociale qui permet de vivre à l’étranger dans des
meilleures conditions d’aide et de logement, une migration
fiscale, une migration
médicale, une migration
immobilière ou retraitée.